Le bouturage, rien de plus simple! Il suffit de prendre une paire de ciseaux, de couper les tiges d’une plante, de les placer dans un terreau et le tour est joué, n’est-ce pas? Faux! D’accord, alors il suffit de prendre une paire de ciseaux, de couper les tiges d’une plante et de les placer dans un système de propagation! Désolé, mais c’est encore faux. Bien que la marche à suivre soit adéquate, une multitude d’autres éléments entrent en ligne de compte pour assurer un bouturage réussi. En fait, le secret ne se cache pas dans l’achat d’équipements dispendieux, mais plutôt dans votre capacité à accomplir votre tâche avec minutie.
Les boutures de plantes sont une réflexion de leur origine. En effet, la bouture étant un segment de la plante mère, elle hérite forcément des mêmes caractéristiques au niveau de l’équilibre de l’éclairage, de l’air, de l’eau et des nutriments. Par exemple, si une plante mère souffre d’une carence en phosphore elle transmettra cette déficience à sa bouture. Ce phénomène est combiné au fait que la bouture est aussi dépourvue de ses jambes (racines), donc n’est plus en mesure de se nourrir ou de s’hydrater. Une plante provenant d’une bouture souffrant d’un problème quelconque (par exemple, une carence nutritionnelle) manifestera rapidement des signes de maladie qui perdureront tout au long de sa croissance.
Préparer la plante mère
Tout d’abord, la plante mère doit connaître une croissance active sans toutefois être poussée à croître trop rapidement, car la bouture doit être en mesure de former ses racines tout en minimisant les risques d’une croissance végétative soudaine. Ensuite, il faut s’assurer de nourrir la plante mère sur une base régulière sans lui administrer des nutriments en trop grande quantité (surtout l’azote) ce qui provoquerait un déséquilibre au niveau des hydrates de carbone et compromettrait la formation de racines des boutures de bois mou. Une suralimentation réduit la quantité, la taille et la qualité des cellules initiales de racine. Il existe autant de ratios d’application d’engrais qu’il y a d’espèces de plantes à bouturer. Nous n’allons donc pas émettre de recommandations sur ce sujet sauf de nourrir la plante mère en fonction de ses besoins propres.
Si vous travaillez uniquement avec des boutures apicales , elles doivent être le plus denses possible afin d’éviter un entrenoeud trop long. Dès que l’on constate la présence d’un entre-noeud trop long, il faut réduire l’apport en azote à la plante mère.
On doit éviter toute autre carence en nutriment – la plante doit être saine et avoir un feuillage vert luxuriant et des cuticules épaisses. Maintenez un niveau d’éclairage élevé durant la période de croissance de la plante mère et réduisez l’intensité lumineuse du tiers durant la semaine précédant le prélèvement de boutures. Sachez qu’une réduction d’éclairage trop draconienne provoque l’étirement des entre-noeuds. Une fois les boutures prélevées, il faut placer la plante mère dans un environnement à éclairage réduit, car le prélèvement de boutures cause un traumatisme violent à la plante mère comparable à la perte de ses racines.
Assurez-vous d’arroser la plante mère la journée avant le prélèvement de boutures. De plus, il est préférable de prendre les boutures pendant les premières heures d’éclairage. Finalement, prenez le temps d’évaluer l’état de santé de la plante mère pour vous assurer qu’elle a connu une croissance stable sans s’être asséchée lors des deux dernières semaines avant le bouturage. Rappelez-vous qu’une plante mère vigoureuse, stable et saine produira des boutures de qualité semblable.
Préparer le prélèvement des boutures
Maintenant que nous savons que la plante mère est au meilleur de sa santé, il est probablement temps de sortir les ciseaux… NON! Le prélèvement doit être accompli avec grand soin. Non seulement faut-il choisir quel rameau couper, il faut aussi savoir où et comment couper, quel outil utiliser et comment prendre soin des boutures après le prélèvement. Pourquoi? Parce que vous voulez obtenir le maximum de boutures de bonne qualité tout en minimisant le nombre de plantes mère et l’espace requis pour maintenir un bon taux de production. Vous obtiendrez un enracinement uniforme pour chacune de vos boutures et éviterez de prélever des boutures dont la croissance sera fortement handicapée.
Il existe quatre types de boutures:
- Les ligneuses (espèces à feuilles caduques)
- Les ligneuses (espèces de conifère au feuillage persistant)
- Les semi-ligneuses
- Les herbacées (bois vert)
Les méthodes de coupe et d’entretien varient selon le type de boutures, donc le type de plantes (de ligneuse à herbacée), selon le temps de production (changements saisonniers) et selon l’utilisation ultime. Pour les besoins de l’exercice, nous allons nous concentrer sur la marche à suivre avec les boutures herbacées puisque la méthode convient à tous les types de bois, mais ne doit être exercée que lors de la croissance printanière chez les plantes ligneuses.
Où couper
L’emplacement idéal pour prélever une bouture se situe au centre de la tige à un endroit ni trop ferme, ni trop mou. Sur chaque tige de plante, le taux d’hydratede carbone passe de faible à élevé entre deux points précis et le taux d’azote y est proportionnellement inversé. Le centre de ces deux points marque la répartition égale des deux substances et donc l’endroit où vous devrez couper. Comment faire pour localiser le point précis? La plupart des jardiniers le savent par expérience, mais les novices et les jardiniers moins expérimentés devraient tenter l’expérience du pliage. Vous n’avez qu’à plier un bout de la tige à un endroit où vous souhaitez prélever une bouture. Trois résultats peuvent survenir:
- La tige plie (azote élevé et hydrate de carbone faible)
- La tige se fend en deux ou presque (azote faible et hydrate de carbone élevé)
- Ou la tige se fend à un endroit seulement (équilibre parfait). C’est la zone de coupe, l’endroit de la tige le plus propice à l’épanouissement des racines. Ensuite, il suffit de savoir comment couper la bouture.
Comment couper
La section de la tige située entre les points d’attache des feuilles se nomme l’entre-noeud. Chez certaines plantes, les nouvelles racines se forment à partir du noeud (là où s’attache une feuille), tandis que chez d’autres plantes, les racines se développent le long de l’entre-noeud. Le secret de la réussite consiste à couper la tige le plus près possible du noeud pour les plantes qui forment des racines au niveau du noeud et au centre pour les autres.
Maintenant, à votre grande surprise, couper la tige droite et non en diagonale! En coupant la tige de façon perpendiculaire, les bourrelets cicatriciels se forment plus rapidement, donc la guérison de la tige est accélérée réduisant ainsi les risques de maladies. Cependant, les fleurs telles que les roses doivent être coupées en diagonale pour favoriser l’absorption de l’eau par la tige et permettre à la blessure de demeurer ouverte pour le transfert d’eau. Lors du prélèvement des boutures, il faut éviter à tout prix d’écraser les tissus à l’endroit de coupe. Donc, utilisez un couteau très bien affûté ou un sécateur à contre-lame.
Éviter d’écraser les tissus au niveau de la coupure peut s’avérer délicat, donc pour réduire l’impact, il suffit de choisir le bon outil de coupe. La coupure devant être nette et impeccable, le meilleur outil dépendra du type de matériel à couper. Les tiges herbacées ainsi que les tiges ligneuses très minces se coupent plus facilement avec un couteau spécialisé appelé greffoir. La seconde option consiste à utiliser un sécateur à contre-lame. Les ciseaux, les sécateurs à enclume et les doigts sont à proscrire, car ils écrasent la tige et ne produisent pas des coupures nettes.
Traiter ses boutures avec douceur
Dès le prélèvement, toute bouture doit être placée directement dans un endroit avec un taux d’humidité de 100%. Si la bouture s’assèche, elle en souffrira. Ainsi, vous devez garder les boutures dans un endroit frais, humide et obscur. Si vous travaillez dans un vaste espace, emballez vos boutures avec de l’étamine (étoffe mince) mouillée ou de la toile de jute au fur et à mesure. Devrions-nous permettre à la coupure de sécher un peu avant de placer les boutures dans leur support? Bien sûr que non. Il est vrai que les boutures herbacées ont moins tendance à pourrir, mais elles produisent des racines plus rapidement que les plantes lignées puisque leur tige contient peu de lignine. Il ne faut donc pas les laisser s’assécher. S’en occuper immédiatement maintiendra la circulation d’auxines dans la tige ce qui aidera à la formation des racines. Attention, si vous utilisez un contenant de propagation qui vaporise un brouillard sur les tiges des boutures et que ce dernier n’est pas doté d’un dispositif de contrôle d’humidité très performant, il serait préférable de couper vos boutures en diagonale afin de favoriser l’absorption d’eau. Ces contenants de propagation en dépendent pour déterminer la fréquence et le taux d’arrosage des boutures.
Support d’enracinement
Le type de support d’enracinement doit idéalement correspondre au futur support de croissance. Ainsi, si vous optez pour un support de croissance inorganique, le support d’enracinement doit lui aussi être inorganique. Inversement, si vous préférez utiliser un support de croissance organique, le support d’enracinement doit être organique. Les propriétés doivent correspondre, car les plantes forment de nouvelles racines en fonction du support utilisé et des futures tâches à accomplir. Si vous cultivez dans un terreau ou dans un mélange sans sol, il est inutile d’inciter la plante à produire ses racines dans un système d’enracinement à base d’eau. Inutile, car dès la transplantation, la plante devra consacrer son temps et son énergie à convertir ses racines pour les adapter au nouvel environnement dans lequel l’eau se fait plus rare que les minéraux. Si toutefois vous pensez utiliser des billes d’argile expansée pour la croissance, vous devrez enraciner les boutures dans l’eau, dans la laine de roche ou dans un horticube (styromousse horticole). De cette façon, la compatibilité des racines sera assurée dès le départ. Surtout, évitez d’enfoncer les boutures trop profondément, car contrairement aux plants de tomates qui réagissent plutôt bien à ces conditions, la plupart des plantes n’en sont pas capables. Donc, pour les plantes qui forment des racines au niveau du noeud, il faut enterrer le noeud, tandis que pour les autres plantes, il faudra laisser le noeud à l’extérieur du support.
Finalement, assurez-vous de bien arroser les boutures dès que vous aurez terminé. Ce petit geste favorisera à la fois la cicatrisation de la tige et le maintien de la bouture en place.
Conditions de croissance
Quelle est la prochaine étape? Récapitulons d’abord, nous avons nourri la plante mère, prélevé les boutures et transféré les boutures dans un support adéquat… Maintenant, nous devons les placer dans un environnement à 100 % d’humidité. Vous pouvez atteindre ce taux d’humidité soit dans un dôme, soit en utilisant un système de brumisation (mist system). Certaines plantes ne sont pas trop exigeantes et peuvent endurer un environnement plus sec (par exemple, les cactus et les crassulacées) et même certaines plantes bénéficieront d’un environnement plus sec. Un environnement humide réduit l’utilisation d’eau tout en fournissant suffisamment d’eau à la plante en croissance.
L’humidité est essentielle pour obtenir des feuilles charnues, avoir un système efficace et assurer le bon développement de la plante. En maintenant l’éclairage à une faible intensité, la vitesse d’enracinement augmentera tandis que la production du feuillage chutera à un niveau de survivance. La transpiration étant ralentie, les composantes utilisées au niveau des racines veilleront à former une nouvelle structure racinaire. Somme toute, il convient de maintenir la température ambiante chaude autour des boutures (pas trop chaude), l’humidité relativement haute (plus de 90%) et la température de la zone racinaire élevée (environ 25 °C).
Dès l’apparition des tissus de cellule végétale ou des cellules initiales de racine , vous pouvez fixer le nouveau taux d’humidité entre 80 % et 90 % et ainsi favoriser la croissance de racines. Lorsque vous apercevrez des racines autour du support, ajustez l’humidité à 80 % et cessez toute vaporisation foliaire d’eau pour limiter les risques de maladies.
Enfin, dès que les racines sortent du cube ou du pot d’enracinement, il est temps de transplanter les boutures.
Quand transplanter les boutures
Lors de cette étape, vous devrez choisir le bon moment pour passer à l’action. Si vous attendez trop longtemps et qu’un pain racinaire s’est formé, les racines seront vieilles et à l’étroit dans leur pot. Par conséquent, ces plantes produiront moins de ramifications. Cela dit, n’attendez pas que les racines aient trop poussé et n’appliquez pas d’hormones stimulantes avant d’avoir transplanté les boutures. Si vous enracinez vos boutures dans un matériel de propagation, alors il faudra utiliser des hormones stimulantes dès l’apparition de racines (certains stimulants peuvent être administrés plus tôt par les feuilles). Attention, prenez garde de ne pas transplanter des boutures nouvellement enracinées dans des contenants trop grands, il vaut mieux utiliser un contenant de taille moyenne. Par exemple, une bouture enracinée dans un cube de 1 pouce ne devrait pas être transplantée dans un contenant de 20 litres. Il vaut mieux utiliser une taille intermédiaire de 4 pouces pour la formation des racines. De cette façon, les plantes ne souffriront pas et le risque d’un arrosage excessif sera réduit.
Un point important à noter : pour éviter toute forme de dommages, les racines ont besoin d’un taux d’humidité de 100%. Plus les extrémités des racines sont exposées à l’air plus les dommages s’aggravent. Il faut donc minimiser le temps d’exposition à l’air. Il faut éviter à tout prix de cueillir des centaines de jeunes boutures le matin pour les transplanter seulement en après-midi. Les racines étant exposées à l’air libre pendant la transplantation, assurez-vous de pouvoir transférer vos boutures des plateaux de démarrage vers le support de croissance en moins de 15 minutes. Dès que les boutures sont transplantées, il faut TOUJOURS les arroser avec ou sans nutriments, selon le type de support, et TOUJOURS préparer la solution nutritive avec le minimum de nutriments nécessaire.
Les meilleures pratiques de transplantation
Une bouture qui subit sa première transplantation ne devrait pas devoir baigner dans un contenant énorme avec une multitude d’éléments. En fait, il est insensé de placer une bouture de 4 pouces directement dans un contenant de 20 litres, car, en plus de ne pas être un usage efficace de l’espace, un contenant de cette taille rend le contrôle de la température plus difficile.
Transplantez les boutures dans un contenant plus petit d’abord et permettez-leur de prendre du volume pour ensuite les transférer dans un contenant plus grand. Le même principe s’applique aux racines. En effet, dès que les racines s’étendent, qu’elles poussent en grand nombre et qu’elles atteignent l’extérieur du pain racinaire, il faut déplacer la plante dans un plus grand contenant. Ceci facilitera une gestion constante du niveau d’eau, en plus d’éviter l’arrosage excessif, d’assurer une disponibilité adéquate de nutriments et de faciliter la récolte.
La fréquence de l’application de fertilisant ainsi que la quantité à administrer varieront selon le support utilisé. Si vous ajoutez un engrais à un support tel que les terreaux ou la tourbe, une grande quantité de l’engrais s’agglutinera aux particules directement ou s’attachera chimiquement. Si la plante n’est pas suffisamment développée pour pouvoir absorber tous ces nutriments, ils demeureront dans le support et ultimement, le niveau de sel sera trop élevé.
Donc, il faut nourrir les nouvelles boutures légèrement et ajuster la quantité de fertilisant proportionnellement à la croissance des racines. L’alimentation par vaporisation foliaire est possible, mais en faible quantité. Soyez prudent, car les systèmes de brumisation ont tendance à soutirer l’azote et certains autres éléments à partir des feuilles. Normalement, l’alimentation foliaire est recommandée en faible quantité lorsque les racines se forment en moins de cinq jours. Néanmoins, le système racinaire demeure la meilleure façon de nourrir ses plantes, et ce, durant toute la durée de vie de la plante.
Sachez qu’une plante qui requiert des applications foliaires présente généralement un problème à un autre niveau et ce dernier devrait être abordé. Le prélèvement de boutures est plutôt simple lorsque les étapes sont suivies correctement et lorsque le jardinier connaît bien l’espèce de la plante. Certaines plantes ne se reproduisent pas aussi facilement que d’autres. Certaines prendront des semaines à former des nouvelles racines, tandis que d’autres formeront de nouvelles racines à même la plante mère. Vous devez connaître les possibilités que présente la plante de votre choix afin de ne pas être pris au dépourvu. Souvenez-vous, toute coupe d’une plante vivante entraîne des conséquences, tant pour la bouture que pour la plante mère. Vous n’avez qu’à suivre les étapes attentivement en prenant soin de votre plante mère et de vos boutures et vous réussirez!
* CANNA RHIZOTONIC est un produit populaire à utiliser pour l’alimentation foliaire. En le vaporisant sur le feuillage de vos boutures, le processus de formation de racines accélérera, la résistance aux maladies augmentera et la qualité de la récolte sera améliorée.