Les pucerons sont parmi les plus grands ravageurs de plantes cultivées dans les régions tempérées. Ils effraient bon nombre d’horticulteurs puisqu’ils peuvent réduire la rapidité de croissance, tacher les feuilles, les faire jaunir, courber, brunir ou faner, retarder la croissance, affaiblir le rendement et tuer les plantes.
Souvent, lorsque l’on parle de pucerons, ou d’aphidés, nous faisons référence à une grande famille d’insectes regroupant plus de 4,000 espèces de parasites qui s’attaquent à certaines plantes précises. De moins de 4 mm de longueur, ils sont dotés d’un abdomen bulbeux et peuvent revêtir plusieurs couleurs différentes. La plupart des espèces possèdent une dénomination commune ou scientifique qui indique le nom de leur plante hôte favorite, soit pour se nourrir, soit pour élever leur progéniture, ou qui décrit une caractéristique qui les distingue. Comme, par exemple, Hyadaphis coriandri préfère la coriandre, Brevicoryne brassicae préfère les crucifères comme le chou, le puceron du cotonnier (Aphis gossypii), le puceron vert des graminées (Schizaphis graminum), le puceron noir du pêcher (Brachycaudus persicae), et ainsi de suite.
Stylet
Tous les pucerons sont dotés d’un stylet (une sorte d’aiguille à seringue) qu’ils utilisent pour perforer et sucer la sève de la plante, et de deux tubes sur la partie postérieure, nommés cornicules ou siphoncles, qui servent à excréter une sorte de miellat qui se nomme « cire de cornicule ». Les pucerons se nourrissent généralement de la sève élaborée d’une plante riche en sucres, en minéraux et autres éléments. La sève élaborée circule dans le phloème, un tissu conducteur dans la plante. Les pucerons aspirent aussi le liquide du xylème, c'est-à-dire la sève brute qui provient directement des racines. C’est de qui fournit l’eau aux pucerons, leur permettant de rester hydratés durant les périodes chaudes et arides.
Cycle de vie
Une génération de pucerons peut survivre durant l’hiver sous forme d’œuf, leur permettant de résister à des extrêmes de température et d’humidité. Au printemps, les œufs nichés sur la plante (hôte primaire) éclosent, créant la première génération de pucerons. Tous les pucerons naissants d’un œuf d’hiver sont femelles. Plusieurs autres générations de pucerons femelles naissent au cours du printemps et de l’été. Une femelle peut vivre pendant 25 jours, période durant laquelle elle réussit à générer jusqu’à 80 nouveaux pucerons.
La reproduction printanière et estivale est asexuée, donc sans individu mâle. Ce phénomène se nomme parthénogenèse. Les pucerons sont en fait des clones de la mère. De plus, la reproduction à ce moment de l’année est dite vivipare, c'est-à-dire que le jeune naît complètement développé, et non dans un œuf (reproduction ovipare). Lorsque l’automne approche, une génération d’individus mâles et femelles est formée. Les femelles fertilisées par les mâles pondent alors des œufs d’hiver sur les plantes, et le cycle recommence.
Pucerons sans ailes
Le cycle de vie complet, incluant la phase vivipare suivie de l’étape finale de reproduction ovipare, est holocyclique. Toutefois, certaines espèces de pucerons sont seulement vivipares et adoptent un cycle de vie anholocyclique. Le cas échéant, les générations ne sont pas des clones, mais bien des individus génétiquement différents de la mère.
C’est souvent le climat local qui rend une espèce de pucerons anholocyclique ou holocyclique. Dans les régions modérées, une espèce qui est généralement hocyclique peut devenir anholocyclique, alors que, dans les climats plus froids, les pucerons sont holocycliques (les œufs peuvent résister au froid et certains pucerons ne peuvent pas se développer lorsque la température est inférieure à 5 °C). Les espèces de pucerons anholocycliques passent l’hiver en nymphes ou en adultes aptères.
Dans les deux cas, les pucerons peuvent être ailés ou aptères (sans ailes). Habituellement, la première génération qui émerge des œufs d’hiver est aptère, mais après quelques générations, le manque d’espace sur la plante hôte peut déclencher la naissance d’une génération de pucerons ailés qui pourront émigrer vers d’autres hôtes. La dispersion des pucerons dépend aussi du type de plante hôte. Certaines espèces de pucerons ne se développent que sur une espèce précise de plante. Ces pucerons sont dits monoïques. Les pucerons monoïques passent leur vie entière dans les arbres et les vivaces.
Les espèces s’attaquant le plus souvent aux cultures sont les pucerons hétéroéciques, ils se nourrissent sur diverses espèces de plantes. Le cycle des pucerons hétéroéciques holocycliques débute lorsque les œufs d’hiver éclosent sur l’hôte primaire. Les hôtes primaires sont habituellement des adventices annuelles, des arbustes ou des arbres. Quelques générations parthénocarpiques donnent alors naissance à une génération de femelles ailées qui émigrent vers l’hôte secondaire, généralement une plante cultivée. Dans ce nouvel environnement, les pucerons se reproduisent de manière parthénocarpiques pendant plusieurs générations de femelles jusqu’à l’arrivée de l’automne. À ce moment-là, une génération d’individus mâles et femelles ailés retourne vers l’hôte primaire pour y pondre les œufs d’hiver fertilisés, terminant ainsi le cycle.
Dommages causés par les pucerons
Dommage direct
L’extraction de la sève élaborée affaiblit la plante et provoque un déséquilibre métabolique qui fait courber les feuilles et, dans les cas extrêmes, entraîne la perte de feuilles, ce qui influencera la quantité et la qualité de la récolte finale. Les pucerons introduisent aussi des toxines dans la plante, modifiant systématiquement son développement.
Dommage indirect
Le miellat sécrété par les pucerons représente le support de culture par excellence pour plusieurs types de champignons qui formeront une barrière sur la feuille, l’empêchant d’absorber la lumière qui la touche.
La conséquence la plus novice
Toutefois, la conséquence la plus nocive pour les plantes est la transmission de virus. Les pucerons, et particulièrement les générations ailées, peuvent transmettre des douzaines de virus d’une plante malade à une plante en santé en seulement quelques secondes. Le plus gros problème avec les virus est le fait qu’il n’y ait pas de remède contre eux. Donc, l’infection d’une plante intolérante ou non résistante à un virus entraînera inévitablement un déclin de la production finale.
Les mécanismes de transmission
Il faut comprendre les mécanismes de transmission des virus, pour reconnaître le danger que représente la transmission virale par les pucerons et pour choisir la bonne méthode de prévention.
Lorsqu’un puceron insère son stylet pour se nourrir d’une plante infectée par un virus, certaines particules virales s’attachent aux pièces buccales ou sont ingérées avec la sève. C’est ce que l’on appelle la phase d’acquisition et elle peut durer de quelques secondes à quelques jours, selon le type de virus. Lorsque le puceron migre vers une plante saine et y insère son stylet pour se nourrir, la phase d’inoculation commence.
Les virus non persistants
Dépendamment du mécanisme de transmission, les virus sont dits non persistants ou persistants. Les virus non persistants ne sont pas latents dans le corps de l’insecte transmetteur, mais peuvent infecter immédiatement les plantes en santé. Cette forme de transmission virale par les pucerons est plus difficile à éviter, car, dès que les pucerons porteurs du virus attaquent la plante hôte, l’infection survient immédiatement et cause des pertes de production conséquentes.
Heureusement, le nombre de plantes pouvant être infectées est très faible. La période durant laquelle les pucerons peuvent transmettre le virus à une plante en santé s’appelle la période de rétention. Chez les virus non persistants, la période de rétention dure quelques minutes. Si la phase d’acquisition et la période de rétention sont plus longues, il s’agit alors d’un virus semi-persistant.
Pour ce type de virus, la solution est de prévenir l’accès aux plantes par les pucerons porteurs du virus et d’empêcher la dispersion des pucerons qui se nourrissent sur les plantes infectées.
Les virus persistants
Les virus persistants sont quelque peu différents. Lorsqu’un puceron se nourrit d’une plante infectée par un virus persistant, une charge virale entre et demeure dans les cellules du système digestif pour être excrétée dans la salive de l’insecte. Certains virus peuvent se multiplier dans le corps du puceron, ce sont des virus propagatifs persistants. Pour se transmettre, les virus persistants doivent passer quelques jours, voire quelques mois à l’intérieur du puceron. C’est la période de latence. La période de rétention de tels virus peut aussi aller de quelques jours à quelques mois.
Mécanismes de contrôle
Application de pesticides
Avec les pesticides chimiques, il faudra employer un produit systémique absorbé par les feuilles et transporté vers les extrémités de la plante (l’emplacement favori des pucerons). Ceux-ci sont ingérés par le parasite.
Puisque les pesticides systémiques circulent à l’intérieur du système vasculaire de la plante, ils n’auront aucun effet sur la faune bénéfique qui ne se nourrit pas de la sève.
Si les plantes sont insensibles aux virus, les insecticides biologiques comme le savon de potassium, les pyréthrines naturelles ou l’huile de margousier (neem) peuvent être appliqués dès l’apparition des premiers pucerons sur les plantes.
Contrôle biologique
Les contrôles biologiques sont utilisés avec succès contre les parasitoïdes et les prédateurs (entomophages) et les champignons pathogènes.
Les prédateurs de pucerons incluent les coccinelles et les chrysopes. Les larves de Chrysoperla sp. sont de voraces prédateurs de pucerons. L’adulte est très particulier, il ressemble à un gros moustique vert pâle aux grandes ailes transparentes. Les œufs de cet insecte sont aussi très distinctifs, car ils s’attachent aux tiges. Certains pucerons sécrètent une phéromone lorsqu’ils sont attaqués par un prédateur. Cette phéromone sert de signal d’alerte pour les autres pucerons qui commenceront à se disperser.
Parasitoïdes: Famille des Aphinidae, des Aphelinus et espèces reliées. Les individus femelles de ces guêpes pondent leurs œufs à l’intérieur des pucerons. Les larves naissent à l’intérieur des pucerons et s’en nourrissent.
Certains champignons pathogènes parasitaires pour les pucerons sont employés comme contrôle, notamment Beauveria bassiana et Lecanicillium muscarium.
Plusieurs techniques de culture peuvent prévenir ou minimiser les attaques de pucerons. Vous pouvez éliminer les mauvaises herbes qui servent de réservoir d’œufs et d’adultes, utiliser des filets à insectes (parfois imprégnés d’insecticide) pour couvrir les plantes, éviter l’application excessive d’engrais azotés, enlever les résidus végétaux, établir des espèces de plante pouvant servir de réservoir pour les prédateurs (plantes banques), et ainsi de suite. Parfois, on introduit des parasitoïdes Aphidius colemani dans les cultures de plantes céréales infestées de pucerons afin de créer un réservoir pour ces parasites bénéfiques.
Combattre les pucerons ailés
Pour savoir si des pucerons ailés volent au-dessus de vos plantes, vous pouvez placer des pièges collants jaunes dans les airs, et des pièges d’eau au sol. Les pièges d’eau sont en fait des plateaux jaunes contenant deux doigts d’eau savonneuse. En plus de surveiller la quantité d’insectes, les pièges peuvent empêcher un grand nombre de pucerons de se rendre jusqu’à vos plantes.
Des cultures barrières peuvent aussi être utilisées. Cette méthode implique l’utilisation de plantes qui ne risquent pas d’attraper les virus transportés par les pucerons afin de protéger les plantes principales contre ces vecteurs. Cette méthode fonctionne de deux façons. D’abord, elle forme une barrière physique, ce qui empêche les pucerons ailés d’atteindre les plantes principales. Puis, elle nettoie les virus non persistants transportés par les pucerons. Lorsque les pucerons atteignent la culture barrière et goûtent à sa sève, plusieurs particules virales attachées au stylet et aux pièces buccales se détachent. Lorsque ce même puceron se rend à la plante principale, le virus aura disparu. Ainsi, la culture barrière a un effet nettoyant sur les virus non persistants transportés par les pucerons.